VENEZUELA • Chávez ne veut pas lâcher le pouvoir
Pour le président vénézuélien, les élections locales du 23 novembre sont cruciales. Sur fond de crise pétrolière et d'usure du pouvoir, il entend néanmoins tout faire pour consolider ses positions.
Les élections du 23 novembre, pour élire les autorités locales, constituent un véritable défi pour Hugo Chávez. Même si les sondages les plus optimistes calculent que l'opposition pourrait peut-être remporter 5 ou 6 des 22 régions du pays, le président vénézuélien n'a pas la moindre l'intention de perdre une once de terrain politique, serait-ce même la moindre rue. Afin d'éviter que se répète l'expérience de 2007 [échec du référendum constitutionnel], il a employé les grands moyens. Tout d'abord, il a renforcé son parti, le Parti socialiste uni vénézuélien (PSUV), et contrôlé de manière souterraine et autoritaire la sélection des candidats. Cette manière de procéder a créé des remous, à tel point que, dans certaines régions, le Parti communiste ou le parti Patria para Todos, alliés historiques du gouvernement, ont proposé des candidats différents de ceux imposés par Chávez.
Par ailleurs, au mépris de la Constitution, le contrôleur général de la République a proclamé l'inéligibilité de 260 fonctionnaires, pour la plupart des opposants, dont au moins six auraient pu être élus dans les régions le 23 novembre. En outre, le président n'a cessé de s'impliquer dans la campagne, en transformant la décision des électeurs en un plébiscite autour de sa personne : il a dénoncé des tentatives d'assassinat dont il aurait été victime, a affirmé que "tous les candidats de l'opposition étaient des capitalistes", des instruments de l'impérialisme, et assuré que l'opposition voulait les régions pour se débarrasser de lui en 2009. Une fois de plus, avec une absence totale de scrupules dans sa façon d'user et d'abuser de sa fonction et de bousculer les libertés publiques, il incite le pays à voter avec ses tripes. Ce n'est pas en vain qu'il a transformé le sentimentalisme en une véritable stratégie de communication. Le 23 novembre prochain, voter sera quasiment un acte d'amour, estime le président. Il joue sa vie dans les urnes.
Pourtant, le contexte n'est pas vraiment encourageant. Même si Hugo Chávez gagne les élections, la crise financière mondiale et la chute des prix du pétrole sont une menace réelle. Surtout pour celui qui a fait croire aux Vénézuéliens que la révolution était une merveille d'argent facile, une richesse qui n'avait pas besoin d'être produite mais seulement distribuée : la grande utopie de consommation de tout pays pétrolier. Le "socialisme du XXIe siècle" ne peut exister que si le prix du brut est élevé. Ce socialisme n'a pas grand-chose à voir avec les autres gouvernements de gauche du continent. Il est plus proche de Detroit que de La Havane. L'économie vénézuélienne dépend presque exclusivement des revenus pétroliers. En comptant avec les réserves internationales et les énormes gisements que possède le pays, l'avenir ne sera jamais aussi radieux qu'il ne l'a été ces dix dernières années. Le temps des barils maigres est arrivé. Dépenses publiques phénoménales, nationalisations ruineuses, inflation la plus élevée du continent… tout paraît acculer Chávez, le pousser à faire quelque chose qu'il n'aurait jamais imaginé : prendre des mesures impopulaires, faire des ajustements, revenir sur sa parole. Voire décevoir ce qu'il a su le mieux susciter : l'espoir des pauvres.
Avec Barack Obama à la Maison-Blanche, avec la crise économique qui se rapproche dangereusement du Venezuela, avec l'usure politique inévitable après dix ans de pouvoir, le président vénézuélien aura du mal à éviter le véritable combat, la confrontation avec cet ennemi qu'il a toujours essayé d'esquiver : Chávez contre Chávez.
Alberto Barrera Tyszka*
* Auteur, avec Cristina Marcano, d'Hugo Chávez sin uniforme : una historia personal (Hugo Chávez sans uniforme : une histoire personnelle, éd. Debate, Madrid, non traduit en français).
Alberto Barrera Tyszka
El País
lundi 24 novembre 2008
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